Le P’pa, Joseph, troisième enfant d’un couple de pâtissier Gabriel Brissot et Claudia Laurent est né le 15 Février 1920 à Amplepuis dans le département du Rhône.
Son frère ainé, Claude naît peu avant la guerre le 14 Juin 1914 quelques jours avant l’assassinat de l’Archiduc d’Autriche à Sarajevo le 28 Juin .Le deuxième est né et mort le même jour, le 9 Mai 1915 journée funeste et pour la famille et pour la France dont le 88ième régiment d’Infanterie perd un tiers de ses effectifs dans la bataille de Roclincourt en Artois.
Gabriel a 43 ans, Claudia 30 Ans ; Claude 6 ans.
En 1920 la grande guerre est terminée depuis 2 ans et Joseph vivra les 10 premières années de sa vie dans une atmosphère française bouillonnante de créativité et d’insouciance, les année folles. A Paris on trouve des écrivains américains, Henry Miller, Ernest Hemingway, des peintres, Modigliani, Chagall, des écrivains surréalistes, André Breton, Paul Eluard, Louis Aragon, Robert Desnos, des cinéastes, Luis Buñuel, René clair, Jean Cocteau. La musique est influencée par les rythmes afro-américains. Joséphine Baker se produit dans la « revue nègre ». La danse à la mode, le charleston, contraste avec les vieilles danses européennes.

Joseph a-t-il été conscient de tous ces changements par les journaux ou la radio ? Ses parents lui ont asséné une éducation traditionnelle et conservatrice puisqu’il fréquenta l’école privée Saint Viateur tenue rigoureusement par des frères catholiques. Il a certainement été mis à l’écart, on l’a plutôt protégé de toutes ces « influences néfastes ». Il en était de même pour son frère Claude. Lorsqu’il eut 5 ans, le 19 Mai 1925, naissait une petite sœur, Marie-Louise. Puis 3 ans après, une autre petite sœur, Juliette, arrivait. Il ne parla jamais des relations qu’il avait, enfant ou adolescent avec sa mère, son père, son frère et ses sœurs. On avait dû lui apprendre à se taire comme tout enfant de bonne famille puisqu’il s’est tût toute sa vie, à ne pas donner son opinion qu’il gardait secrète et qu’il fallait deviner à travers ses discrètes réactions.

Il fréquenta l’école jusqu’à ses douze ou treize ans. Il excellait en calcul, mais il était plus faible en orthographe. Il avait une belle écriture qui respectait les pleins et les déliés comme on apprenait encore jusque dans les années soixante. Eté comme hiver, il partait pour l’école en culotte courte et en galoche. Après l’école, en 1932 ou 33, il entreprit un apprentissage en pâtisserie auprès de son père et de son frère. Je suppose qu’il n’a pas eu trop le choix car à cette époque les métiers artisanaux se transmettaient souvent de père en fils. C’est là qu’il apprend à confectionner des croissants, des chaussons aux pommes, des religieuses, des éclairs, des têtes de nègre, des babas au rhum, mais aussi des glaces et encore des truffes, des griottes au chocolat.

Mais au cours de l’apprentissage de Joseph, Gabriel est victime d’une attaque, on dirait aujourd’hui un AVC qui le paralyse. Il est hémiplégique et ne peut plus travailler. Claudia fait appel à un ouvrier, Pierre Perrin. Après son apprentissage, Joseph continue à travailler dans la pâtisserie familiale. Mais les année folles sont teintées d’une inquiétude grandissante. Hitler influence de plus en plus la politique allemande jusqu’à fossoyer la république de Weimar en grandes difficultés économique et sociale. Il accède démocratiquement au pouvoir en 1933. Il est prêt à appliquer son programme d’élargissement de l’Allemagne décrit dans son livre « Mein Kempf », « Mon combat », dans lequel il note déjà tout ce qu’il réalisera jusqu’en 1944. L’inquiétude est certainement grandissante dans tout notre pays et on imagine que la petite pâtisserie de la rue centrale n’échappe pas aux nouvelles alarmantes. On peut supposer que des discussions, des prises de position ont dû entacher le travail quotidien.

En 1936, le front populaire ne semble pas plaire à la famille Brissot puisque Gabriel demandera à ses enfants de ne jamais voter pour un candidat socialiste. Le 3 Septembre 1939, à la suite de l’invasion de la Pologne par l’armée allemande, la France et le Royaume uni déclarent la guerre à l’Allemagne. La Pologne est partagée entre l’Allemagne et l’URSS. Une fois terminée sa triste besogne avec la Pologne, Hitler envoie son armée ver l’Ouest. Les ennemis restent statiques, se regardent face à face sans agir, c’est « la drôle de guerre » affirmera Roland Dorgelès qui avait écrit sur la guerre précédente un livre admirable « Les croix de bois ». Puis le 10 Mai 1940, les armées allemandes passent à l’offensive se frayant un chemin par la Belgique pour envahir la France. Paris est occupé. Les événements s’enchainent rapidement.

Pétain, âgé de 84 ans est nommé à la tête du gouvernement et remplace Paul Reynaud. En 1940, Joseph a atteint l’âge de la conscription. Il est appelé au service militaire et incorporé au dépôt d’infanterie 155 le 9 Juin. Il y restera jusqu’au 1ier Août date à laquelle il est affecté aux groupements de jeunesse ( Centre de regroupement de jeunesse du Vaucluse) qui l’orientera au camp de jeunesse 39 à Montmarault (Allier). Joseph avait horreur des armes. Il n’a dû jamais s’en servir puisque pendant son cours service militaire l’armée française devait certainement être désarmée. Il était horrifié à l’idée de tuer un homme, un être vivant. Même plus tard pendant son métier de cuisinier, il lui était impossible de tuer un poulet ou un lapin.

L’armistice est signé le 22 Juin 1940. La France est désormais coupée en deux. Au Nord ce sont les allemands qui l’administrent ; Le Sud appelé « zone libre » est sous l’autorité du Maréchal Pétain et de son gouvernement installé à Vichy. Amplepuis se situe en zone libre et obéit aux lois du nouveau gouvernement vichyste. Le 1ier Juillet 1940, après la défaite, l’armée française est dissoute. Or il fallait démobiliser les jeunes incorporés en Juin. Le ministre de la guerre confia au général de La Porte du Theil le soin de s’en occuper. Les jeunes incorporés en Juin 1940 cessent d’appartenir à l’armée française à partir du 1ier Août et sont affectés pour six mois aux « Groupements des jeunesses françaises ». Ce regroupement répartit les jeunes dans divers chantiers de jeunesse disséminés sur le territoire. Il s’agit d'assurer la formation physique et morale des jeunes par une vie commune en plein air et l'accomplissement de travaux d'intérêt général.

Le 25 septembre 1940 Gabriel décède des suites de sa maladie Mais sa fille Juliette nous dira plus tard qu’il n’a pas pu supporter l’invasion allemande, ce qui serait la vraie cause de son décès. Joseph est libéré le 20 Janvier 1941 avec un certificat de moralité et d’aptitude. « Il a servi avec vaillance, en esprit d’équipe avec ses camarades pour l’honneur de la jeunesse française. Il s’est fait remarquer par son ardeur et bonne humeur au travail », suit la liste de ses aptitudes.

Le 1ier Février 1941, il reprend le travail dans la pâtisserie de sa mère. Quand Joseph commença-t-il à fréquenter Yvonne, épicière à Amplepuis, au fond du bourg ? On peut supposer que c’est à cette époque, voire avant. Le 11 Novembre 1941, il se marie avec Yvonne. A partir de cette date, où partageront-ils leur vie commune ? Dans les appartements de l’épicerie d’Yvonne ? Peut être. A l’époque, il n’était pas question pour un fils de bonne famille de partager la couche de sa fiancée avant le mariage. Donc, il a dû continuer à habiter chez sa mère jusqu’à son mariage. Il continue à travailler chez sa mère jusqu’au 31 Décembre 1941. A partir de cette date, on peut supposer qu’il ira habiter chez sa femme, au fond du bourg et qu’ils s’occuperont tous les deux de l’épicerie.

16 Février 1943 Pierre Laval instaure le STO, service du travail obligatoire. Les jeunes gens des classes 1940 à 1942, soit ceux nés en 1920,1921,1922 ont l’obligation d’aller travailler dans les usines ennemies pour remplacer les jeunes allemands partis au front. Joseph devrait partir. Mais il prend le risque de refuser. Il doit se cacher pour échapper aux contrôles de la police et des inspecteurs du travail. En effet, Jacques Doriot et son « parti populaire français met en place , en 1944, des Groupes d'Action pour la Justice Sociale chargés de traquer les réfractaires contre de l'argent et de les enlever même en pleine rue. Joseph se réfugie à Saint-Jeoire en Savoie. Il obtient de faux papiers d’identité, indiquant qu’il est né en 1918. Ainsi il échappe au STO. Il semble être embauché par un agriculteur. Arrivé à la retraite, il n’a jamais voulu faire reconnaître ses droits de « réfractaire au STO » estimant qu’il ne s’agissait pas de faits de « Résistance ». A la libération, il reste à Bourgoin, en Isère où il exerce divers métiers. Je nais le 20 Mai 1945. J’ai donc été conçu autour du 20 Août, pendant la libération de Paris. Etait-ce pour fêter cet événement ?

Joseph en chantier de jeunesse

Ses papiers officiels